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POT-BOUILLE

clair dans sa succession, il y a eu là toutes sortes de tripotages, pour que le pensionnat de la rue des Fossés-Saint-Victor restât au mari de votre sœur, ce pion râpé qui ne nous salue plus aujourd’hui… Nous avons été volés comme dans un bois.

Madame Josserand, toute blanche, s’étranglait, devant la révolte inconcevable de son mari.

— Ne dites pas du mal de papa ! Il a été l’honneur de l’enseignement pendant quarante ans. Allez donc parler de l’institution Bachelard dans le quartier du Panthéon !… Et quant à ma sœur et à mon beau-frère, ils sont ce qu’ils sont, ils m’ont volée, je le sais ; mais ce n’est pas à vous de le dire, je ne le souffrirai pas, entendez-vous !… Est-ce que je vous parle, moi, de votre sœur des Andelys, qui s’est sauvée avec un officier ! Oh ! c’est propre, de votre côté !

— Un officier qui l’a épousée, madame… Il y a encore l’oncle Bachelard, votre frère, un homme sans mœurs…

— Mais vous devenez fou, monsieur ! Il est riche, il gagne ce qu’il veut dans la commission, et il a promis de doter Berthe… Vous ne respectez donc rien ?

— Ah ! oui, doter Berthe ! Voulez-vous parier qu’il ne donnera pas un sou, et que nous aurons supporté inutilement ses habitudes répugnantes ? Il me fait honte, quand il vient ici. Un menteur, un noceur, un exploiteur qui spécule sur la situation, qui depuis quinze ans, en nous voyant à genoux devant sa fortune, m’emmène chaque samedi passer deux heures dans son bureau, pour que je vérifie ses écritures ! Ça lui économise cent sous… Nous en sommes encore à connaître la couleur de ses cadeaux.

Madame Josserand, l’haleine coupée, se recueillit un instant. Puis, elle poussa ce dernier cri :

— Vous avez bien un neveu dans la police, monsieur !