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LES ROUGON-MACQUART

Marie, qui remontait avec son lait, et voulut la faire causer ; mais elle n’en tira rien, elle ne put même savoir comment la mère avait accueilli la fille coupable. Alors, sous le prétexte d’attendre un instant le facteur, elle entra chez les Gourd, elle finit par demander pourquoi monsieur Octave ne descendait pas : peut-être bien qu’il était malade. Le concierge répondit qu’il l’ignorait ; du reste, monsieur Octave ne descendait jamais avant huit heures dix minutes. À ce moment, l’autre madame Campardon passa devant la loge, blême et rigide ; tous la saluèrent. Et madame Juzeur, forcée de remonter, eut enfin la chance de rencontrer sur son palier l’architecte, qui partait en mettant ses gants. D’abord, tous deux se contemplèrent d’un air accablé ; puis, il haussa les épaules.

— Pauvres gens ! murmura-t-elle.

— Non, non, c’est bien fait ! dit-il avec férocité. Il faut un exemple… Un gaillard que j’introduis dans une maison honnête, en le suppliant de ne pas y amener de femme, et qui, pour se ficher de moi, couche avec la belle-sœur du propriétaire !… J’ai l’air d’un serin, là-dedans !

Ce fut tout. Madame Juzeur était rentrée chez elle. Campardon continuait de descendre, si furieux, qu’il en avait déchiré l’un de ses gants.

Comme huit heures sonnaient, Auguste, le visage défait, les traits tirés par une atroce migraine, traversa la cour pour se rendre à son magasin. Il avait pris l’escalier de service, plein de honte, redoutant d’être rencontré. Cependant, il ne pouvait lâcher les affaires. En bas, au milieu des comptoirs, devant la caisse où Berthe s’asseyait d’habitude, une émotion lui serra la gorge. Le garçon ôtait les volets, et Auguste donnait des ordres pour la journée, lorsque l’apparition brusque de Saturnin, qui sortait du sous-sol, l’effraya.