Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
389
POT-BOUILLE

sit, pour une fois que j’ai la bêtise de profiter d’une occasion… Parbleu ! la nuit a été très agréable ; mais, après, va te promener ! on en a pour la vie à pleurer comme des veaux.

Fifi avait essuyé ses larmes. Elle s’ennuyait tout de suite à ne rien faire, elle venait de reprendre son aiguille et brodait son étole, en levant de temps à autre ses grands yeux purs sur les deux hommes, l’air stupéfait de leur colère.

— Je suis très pressé, hasarda Auguste. Si vous me donniez cette adresse, la rue et le numéro, pas davantage.

— L’adresse, dit l’oncle, attendez, tout de suite.

Et, emporté par son attendrissement qui débordait, il saisit les deux mains de Gueulin.

— Ingrat, je la gardais pour toi, parole d’honneur ! Je me disais : S’il est sage, je la lui donne… Oh ! proprement, avec cinquante mille francs de dot… Et, salaud ! tu n’attends pas, tu vas la prendre comme ça, tout d’un coup !

— Non, lâchez-moi ! dit Gueulin, touché par le bon cœur du vieux. Je sens bien que les embêtements vont continuer.

Mais Bachelard l’emmena devant la jeune fille, en demandant à celle-ci :

— Voyons, Fifi, regarde-le : l’aurais-tu aimé ?

— Si ça pouvait vous faire plaisir, mon oncle, répondit-elle.

Cette bonne réponse acheva de lui crever le cœur. Il se tamponna les yeux, il se moucha, étranglé. Eh bien ! on verrait. Il n’avait jamais voulu que la rendre heureuse. Et, brusquement, il renvoya Gueulin.

— Va-t’en… Je vais réfléchir.

Pendant ce temps la tante Menu avait encore repris Auguste à part, pour lui expliquer ses idées. N’est-ce