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LES ROUGON-MACQUART

pas ? un ouvrier aurait battu la petite, et un employé se serait mis à lui faire des enfants par-dessus la tête. Avec monsieur Narcisse, au contraire, elle avait la chance de trouver une dot qui lui permettrait de se marier convenablement. Dieu merci ! elles appartenaient à une trop bonne famille, jamais la tante n’aurait souffert que la nièce se conduisît mal, tombât des bras d’un amant dans ceux d’un autre. Non, elle voulait pour elle une position sérieuse.

Gueulin partait, lorsque Bachelard le rappela.

— Embrasse-la sur le front, je te le permets.

Et il le mit ensuite lui-même à la porte. Puis, revenant se planter devant Auguste, une main sur le cœur :

— Ce n’est pas une blague, je vous jure ma parole d’honneur que je voulais la lui donner, plus tard.

— Alors, cette adresse ? demanda l’autre à bout de patience.

L’oncle parut étonné, comme s’il croyait avoir déjà répondu.

— Hein ? quoi ? l’adresse de Clarisse, mais je ne la sais pas !

Auguste eut un geste d’emportement. Tout s’en mêlait, on semblait prendre à tâche de le rendre ridicule ! En le voyant si bouleversé, Bachelard lui soumit une idée : sans doute Trublot savait l’adresse, et l’on pouvait aller le trouver chez son patron, l’agent de change Desmarquay. Même l’oncle, avec son obligeance de rouleur de trottoirs, offrit à son jeune ami de l’accompagner. Celui-ci accepta.

— Tenez ! dit l’oncle à Fifi, après l’avoir, à son tour, embrassée sur le front, voici tout de même le sucre de mon café et trois pièces de quatre sous, pour votre tire-lire. Conduisez-vous bien, en attendant mes ordres.

La jeune fille, modeste, tirait son aiguille avec une