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POT-BOUILLE

tations d’Auguste, qui déclarait ne plus vouloir déranger personne et qui parlait de rentrer chez lui. Trublot, du reste, refusait, l’air contraint. Non, il ne retournerait pas dans cette baraque. Et il évita de donner la vraie raison, une aventure stupéfiante, une gifle à toute volée qu’il avait reçue de la nouvelle cuisinière de Clarisse, comme il allait un soir la pincer, devant son fourneau. Comprenait-on ça ? une gifle pour une politesse, histoire simplement de lier connaissance ! Jamais ça ne lui était arrivé, il en restait étourdi.

— Non, non, dit-il en cherchant une excuse, je ne remets pas les pieds dans une maison où l’on s’embête… Vous savez que Clarisse est devenue assommante, et mauvaise comme la gale, et plus bourgeoise que les bourgeoises ! Avec ça, elle a pris sa famille, depuis que son père est mort, toute une tribu de camelots, la mère, deux sœurs, un grand voyou de frère, jusqu’à une tante infirme, vous savez de ces têtes qui vendent des polichinelles sur les trottoirs… Ce que Duveyrier a l’air malheureux et sale, là dedans !

Et il raconta que le jour de pluie où le conseiller avait retrouvé Clarisse sous une porte, elle s’était fâchée la première, en lui reprochant avec des larmes de ne jamais l’avoir respectée. Oui, elle avait quitté la rue de la Cerisaie, exaspérée par une souffrance de dignité personnelle, longtemps contenue. Pourquoi retirait-il sa décoration, quand il venait chez elle ? croyait-il donc qu’elle l’aurait salie, sa décoration ? Elle voulait bien se remettre avec lui, mais avant tout il allait lui jurer sur l’honneur qu’il garderait sa décoration, car elle tenait à son estime, elle entendait ne plus être blessée ainsi à chaque instant. Et Duveyrier avait juré, déconcerté par cette querelle, repris tout entier, troublé et attendri : elle avait raison, il lui trouvait l’âme haute.

— Il n’ôte plus son ruban, ajouta Trublot. Je crois