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POt-BOUILLE

— Octave, vous savez bien.

Trublot, d’opinions toujours carrées, allait dire que ça ne le surprenait pas. Seulement, il rattrapa sa phrase, il la remplaça par cette autre, pleine d’une colère dédaigneuse, et dont le mari n’osa lui demander l’explication :

— Quel idiot, cet Octave !

Sur cette appréciation de l’adultère, il y eut un silence. Chacun des trois hommes était enfoncé dans ses réflexions. Le fiacre ne marchait plus. Il semblait rouler depuis des heures sur un pont, lorsque Trublot, sortant le premier de sa rêverie, risqua cette remarque judicieuse :

— Cette voiture ne va pas fort.

Mais rien ne put hâter le trot du cheval, il était onze heures, lorsqu’on arriva rue d’Assas. Et, là, on perdit encore près d’un quart d’heure, car Trublot s’était vanté, il ne connaissait pas la porte. D’abord, il laissa le cocher suivre la rue jusqu’au bout, sans l’arrêter ; puis, il la lui fit redescendre, et cela à trois reprises. Auguste, sur ses indications précises, entrait, toutes les dix maisons ; mais les concierges répondaient qu’« ils n’avaient pas ça ». Enfin, une fruitière lui indiqua la porte. Il monta avec Bachelard, laissant Trublot dans le fiacre.

Ce fut le grand voyou de frère qui ouvrit. Il avait, collée aux lèvres, une cigarette, dont il leur souffla la fumée à la figure, en les introduisant dans le salon. Quand ils demandèrent M. Duveyrier, il se dandina d’un air blagueur, sans répondre. Puis, il disparut, pour aller le chercher peut-être. Au milieu du salon, en satin bleu, d’un luxe neuf et déjà taché de graisse, une des sœurs, la plus petite, assise sur le tapis, torchait une casserole apportée de la cuisine ; tandis que l’autre, la grande, tapait à poings fermés sur un magnifique