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LES ROUGON-MACQUART

piano, dont elle venait de trouver la clef. Toutes les deux, en voyant les messieurs entrer, avaient levé la tête ; mais elles ne s’étaient pas interrompues, tapant et torchant au contraire avec plus d’énergie. Cinq minutes se passèrent, personne ne se montrait. Les visiteurs se regardaient, assourdis, lorsque des hurlements, qui partaient d’une pièce voisine, achevèrent de les terrifier : c’était la tante infirme qu’on débarbouillait.

Enfin, une vieille femme, madame Bocquet, la mère de Clarisse, passa la tête par l’entrebâillement d’une porte, vêtue d’une robe si sale, qu’elle n’osait se faire voir.

— Ces messieurs désirent ? demanda-t-elle.

— Mais monsieur Duveyrier ! cria l’oncle perdant patience. Nous l’avons dit au domestique… Annoncez monsieur Auguste Vabre et monsieur Narcisse Bachelard.

Madame Bocquet avait refermé la porte. Maintenant, l’aînée des sœurs, montée sur le tabouret, tapait des coudes, et la petite, pour avoir le gratin, raclait la casserole avec une fourchette de fer. Cinq minutes s’écoulèrent encore. Puis, au milieu de ce tapage, qui ne semblait pas la gêner, Clarisse parut.

— Ah ! c’est vous ! dit-elle à Bachelard, sans même regarder Auguste.

L’oncle restait ahuri. Il ne l’aurait pas reconnue, tant elle engraissait. La grande diablesse, d’une maigreur de gamin, frisée comme un caniche, tournait à la petite mère, empâtée, avec des bandeaux luisant de pommade. Du reste, elle ne lui laissa pas le temps de trouver une parole, elle lui dit brutalement qu’elle n’avait pas besoin chez elle d’un cancanier de son espèce, qui allait raconter des horreurs à Alphonse ; oui, parfaitement, il l’avait accusée de coucher avec les amis d’Alphonse, de les ramasser derrière son dos, à