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POT-BOUILLE

Octave. Celui-ci, d’abord sans but, désireux simplement de prendre l’air et d’oublier les catastrophes de la nuit, avait passé devant le Bonheur des Dames, où il s’était arrêté pour saluer madame Hédouin, en grand deuil, debout sur la porte ; et, comme il lui apprenait sa sortie de chez les Vabre, elle lui avait demandé tranquillement pourquoi il ne rentrerait pas chez elle. Ça s’était fait tout de suite, sans y penser. Quand il l’eut saluée de nouveau, après avoir promis de venir dès le lendemain, il continua sa flânerie, plein d’un vague regret. Toujours le hasard dérangeait ses calculs. Des projets l’absorbaient, il battait le quartier depuis une heure, lorsque, en levant la tête, il s’aperçut qu’il avait enfilé le couloir obscur du passage Saint-Roch. Devant lui, dans l’angle le plus noir, à la porte d’un garni louche, Valérie prenait congé d’un monsieur très barbu. Elle rougit, se sauva, poussa la porte rembourrée de l’église ; puis, se voyant suivie par le jeune homme qui souriait, elle préféra l’attendre sous le porche, où ils se mirent à causer, très cordialement.

— Vous me fuyez, dit-il. Vous êtes donc fâchée contre moi ?

— Fâchée ? répondit-elle, pourquoi serais-je fâchée ?… Ah ! ils peuvent se manger entre eux, s’ils veulent, ça m’est bien égal !

Elle parlait de sa famille. Et, tout de suite, elle soulagea son ancienne rancune contre Berthe, d’abord par des allusions, tâtant le jeune homme ; puis, quand elle le sentit sourdement las de sa maîtresse, encore exaspéré du drame de la nuit, elle ne se gêna plus, elle vida son cœur. Dire que cette femme l’avait accusée de se vendre, elle qui n’acceptait jamais un sou, pas même un cadeau ! Si pourtant, des fleurs parfois, des bouquets de violettes. Et, maintenant, on savait laquelle des deux se vendait. Elle le lui avait prédit, qu’on