Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/411

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
411
POT-BOUILLE

durent coucher ensemble, car madame Josserand s’était débarrassée de l’ancien petit lit de Berthe. Lorsqu’elles furent allongées l’une près de l’autre, la bougie éteinte, les yeux grands ouverts sur les ténèbres, elles causèrent, ne pouvant dormir.

— Alors, tu ne veux pas me raconter ? demanda de nouveau Hortense.

— Mais, ma chérie, répondit Berthe, tu n’es pas mariée, je ne peux pas… C’est une explication que j’ai eue avec Auguste. Tu entends, il est revenu…

Et, comme elle s’interrompait, sa sœur reprit avec impatience :

— Va donc ! va donc ! en voilà des affaires ! Mon Dieu ! à mon âge, je me doute bien !

Alors, Berthe se confessa, d’abord en cherchant les mots, puis en lâchant tout, parlant d’Octave, parlant d’Auguste. Hortense, sur le dos, dans le noir, l’écoutait, et elle ne jetait plus que de courtes phrases, pour la questionner ou donner son opinion : « Ensuite, qu’est-ce qu’il t’a dit ?… Et toi, qu’est-ce que tu as éprouvé ?… Tiens ! c’est drôle, je n’aimerais pas ça !… Ah ! vraiment, ça se passe de la sorte ! » Minuit, puis une heure, puis deux heures sonnèrent : elles remuaient toujours cette histoire, les membres peu à peu brûlés par les draps, prises d’insomnie. Berthe, dans cette demi-hallucination, oubliait sa sœur, en arrivait à penser tout haut, soulageant son cœur et sa chair des confidences les plus délicates.

— Oh ! moi, avec Verdier, ce sera bien simple, déclara Hortense brusquement. Je ferai comme il voudra.

Au nom de Verdier, Berthe eut un mouvement de surprise. Elle croyait le mariage rompu, car la femme avec laquelle il habitait depuis quinze années, venait d’avoir un enfant, juste au moment où il était sur le point de la lâcher.