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POT-BOUILLE

Pourtant, elle l’accabla de conseils. À son âge, on devait se résigner. Dieu lui serait d’un grand secours. Mais il fallait qu’elle livrât sa nièce, si elle voulait offrir au ciel son sacrifice comme une expiation. Du reste, la veuve ne convenait pas du tout à Léon, qui avait besoin d’une femme de visage aimable, pour donner des dîners. Et elle parla de son fils avec admiration, flattée dans son orgueil, le détaillant, le montrant digne des plus jolies personnes.

— Songez donc, chère amie, qu’il n’a pas trente ans. Je serais désolée de vous désobliger, mais vous pourriez être sa mère… Oh ! il sait ce qu’il vous doit, et je suis moi-même pénétrée de reconnaissance. Vous resterez son bon ange. Seulement, quand c’est fini, c’est fini. Vous n’espériez peut-être pas le garder toujours !

Et, comme la malheureuse refusait d’entendre raison, voulait le ravoir simplement, tout de suite, la mère se fâcha.

— Eh ! madame, allez vous promener à la fin ! Je suis trop bonne d’y mettre de la complaisance… Il ne veut plus, cet enfant ! ça s’explique. Regardez-vous donc ! C’est moi, maintenant, qui le rappellerais au devoir, s’il cédait encore à vos exigences ; car, je vous le demande, quel intérêt ça peut-il avoir pour vous deux, désormais ?… Justement, il va venir, et si vous avez compté sur moi…

De toutes ces paroles, madame Dambreville n’entendit que la dernière phrase. Depuis huit jours, elle poursuivait Léon, sans parvenir à le voir. Son visage s’éclaira, elle jeta ce cri de son cœur :

— S’il doit venir, je reste !

Dès lors, elle s’installa, s’alourdit comme une masse dans un fauteuil, les regards fixés sur le vide, ne répondant plus, avec l’obstination d’une bête qui ne cédera pas, même sous les coups. Madame Josserand, désolée