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LES ROUGON-MACQUART

— Du reste, ajouta-t-elle avec ironie, je ne force personne à s’amuser chez moi.

— Le fait est qu’on ne s’y amuse guère, répondit-il, impatienté.

Du coup, elle s’emporta.

— Allons, prodiguez vos insultes !… Sachez, monsieur, que j’aurais tout le beau monde de Paris, si je voulais, et que je n’ai pas attendu après vous pour tenir mon rang !

Il n’était plus question de Berthe, l’adultère avait disparu dans cette querelle personnelle. M. Josserand les écoutait toujours, comme s’il eût roulé au fond d’un cauchemar. Ce n’est pas possible, sa fille ne pouvait lui faire ce chagrin ; et, péniblement, il finit par se lever, il sortit, sans dire une parole, pour aller chercher Berthe. Dès qu’elle serait là, elle se jetterait au cou d’Auguste, on s’expliquerait, on oublierait tout. Il la trouva en train de se disputer avec Hortense, qui la poussait à implorer son mari, ayant assez d’elle déjà, et craignant de partager sa chambre longtemps. La jeune femme résistait ; pourtant, elle finit par le suivre. Comme ils rentraient dans la salle à manger, où les bols du déjeuner traînaient encore, madame Josserand criait :

— Non, parole d’honneur ! je ne vous plains pas.

En apercevant Berthe, elle se tut, elle retomba dans sa majesté sévère. Auguste avait eu, à la vue de sa femme, un grand geste de protestation, comme pour l’ôter de son chemin.

— Voyons, dit M. Josserand de sa voix douce et tremblante, qu’est-ce que vous avez tous ? Je ne sais plus, vous me rendez fou avec vos histoires… N’est-ce pas ? mon enfant, ton mari se trompe. Tu vas lui expliquer… Il faut avoir un peu pitié des vieux parents. Faites-le pour moi, embrassez-vous.