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LES ROUGON-MACQUART

— Finissez, épargnez-moi.

— Eh ! non, c’est épouvantable, reprit madame Josserand d’une voix plus haute. Voilà que cette malheureuse à présent me prête son dévergondage ! Vous allez voir que ce sera moi bientôt qui aurai trompé son mari… Alors, c’est ma faute ? car, au fond, ça veut dire ça… C’est ma faute ?

Berthe restait les deux coudes sur la table, très pâle, mais résolue.

— Bien sûr que si tu m’avais élevée autrement…

Elle n’acheva pas. À toute volée, sa mère lui allongea une gifle, et si forte, qu’elle la cloua du coup sur la toile cirée. Depuis la veille, elle avait cette gifle dans la main ; ça lui démangeait les doigts, comme aux jours lointains où la petite s’oubliait encore en dormant.

— Tiens ! cria-t-elle, voilà pour ton éducation !… Ton mari aurait dû t’assommer.

La jeune femme sanglotait, sans se relever, la joue contre le bras. Elle oubliait ses vingt-quatre ans, cette gifle la ramenait aux gifles d’autrefois, à tout un passé d’hypocrisie craintive. Sa résolution de grande personne émancipée se fondait dans une grosse douleur de petite fille.

Mais, à l’entendre pleurer si fort, une émotion terrible s’était emparée du père. Il se levait enfin, éperdu ; et il repoussait la mère, en disant :

— Vous voulez donc me tuer, toutes les deux… Dites ? faut-il que je me mette à genoux ?

Madame Josserand, soulagée, n’ayant rien à ajouter, se retirait dans un royal silence, lorsque, derrière la porte, brusquement ouverte, elle trouva Hortense, l’oreille tendue. Ce fut un nouvel éclat.

— Ah ! tu écoutais ces saletés, toi ! L’une commet des horreurs, l’autre s’en régale : vous faites la paire ! Mais, grand Dieu ! qui est-ce qui vous a donc élevées ?