Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
452
LES ROUGON-MACQUART

cafés, et Saturnin qui était toujours enfermé à l’asile des Moulineaux. Léon, dont la maladie de son père retardait fâcheusement le mariage, montrait une douleur digne. Madame Josserand et Hortense avaient du courage. Seule, Berthe sanglotait si fort, que, pour ne pas affecter le malade, elle s’était réfugiée au fond de la cuisine, où Adèle, profitant du désarroi, buvait du vin chaud. D’ailleurs, M. Josserand mourut avec simplicité. Son honnêteté l’étouffait. Il avait passé inutile, il s’en allait, en brave homme las des vilaines choses de la vie, étranglé par la tranquille inconscience des seules créatures qu’il eût aimées. À huit heures, il bégaya le nom de Saturnin, se tourna contre le mur, et s’éteignit.

Personne ne le croyait mort, car on redoutait une agonie terrible. On patienta quelque temps, on le laissait dormir. Lorsqu’on le trouva qui se refroidissait déjà, madame Josserand, au milieu des larmes, s’emporta contre Hortense, qu’elle avait chargée d’aller chercher Auguste, comptant elle aussi remettre Berthe sur les bras de ce dernier, dans la grosse douleur des derniers moments.

— Tu ne songes donc à rien ! disait-elle en s’essuyant les yeux.

— Mais, maman, répondait la jeune fille en larmes, est-ce qu’on pouvait croire que papa finirait si vite !… Tu m’avais dit de descendre prévenir Auguste à neuf heures seulement, pour être sûre de le garder jusqu’à la fin.

La famille, très affligée, trouva dans cette querelle une distraction. C’était encore une affaire manquée, on n’arrivait jamais à rien. Il restait heureusement l’occasion du convoi, pour s’embrasser.

Le convoi parut convenable, bien qu’il fût d’une classe inférieure à celui de M. Vabre. On se passionna d’ailleurs beaucoup moins dans la maison et dans le