Aller au contenu

Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
457
POT-BOUILLE

prend-il ? Pas ici, bien sûr… Vous n’avez donc plus l’autre ? Ça va donc recommencer, cette abomination ?

Et elle avait le cœur soulevé d’un tel dégoût, qu’il recula. Sans dire une parole, il sortit, s’arrêta dans l’antichambre, hésita une seconde ; puis, comme une porte se trouvait devant lui, la porte des lieux d’aisances, il la poussa ; et, sans hâte, il s’assit au milieu du siège. C’était un endroit tranquille, personne ne viendrait l’y déranger. Il introduisit le canon du petit revolver dans sa bouche, il lâcha un coup.

Cependant, Clotilde, que ses allures inquiétaient depuis le matin, avait écouté pour savoir s’il lui faisait la grâce de retourner chez Clarisse. En comprenant où il allait, à un craquement particulier de la porte, elle ne s’occupait plus de lui, elle sonnait enfin Clémence, lorsque la détonation sourde de l’arme l’étonna. Qu’était-ce donc ? on aurait dit le petit bruit d’une carabine d’appartement. Elle accourut dans l’antichambre, n’osa pas d’abord l’interroger ; puis, comme un souffle étrange sortait de là-dedans, elle l’appela, finit par ouvrir, en ne recevant aucune réponse. Le verrou n’était pas même poussé. Duveyrier, étourdi plus encore par la peur que par le mal, restait accroupi sur le siège, dans une pose lugubre, les yeux grands ouverts, la face ruisselante de sang. Il venait de se rater. La balle, après lui avoir entamé la mâchoire, s’en était allée en trouant la joue gauche. Et il n’avait plus le courage de se tirer un second coup.

— Comment ! c’est ce que vous venez faire là ! cria Clotilde hors d’elle. Eh ! tuez-vous dehors !

Elle était indignée. Ce spectacle, au lieu de l’attendrir, la jetait à une exaspération dernière. Elle le bourra, le souleva sans précaution aucune, voulut l’emporter pour qu’on ne le vît pas en un pareil endroit. Dans ce cabinet ! et il se manquait encore ! C’était le comble.