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XVIII


En décembre, au huitième mois de son deuil, madame Josserand consentit pour la première fois à dîner en ville. C’était d’ailleurs chez les Duveyrier, presque un dîner de famille, par lequel Clotilde ouvrait ses samedis du nouvel hiver. La veille, Adèle fut prévenue qu’elle descendrait aider Julie, pour la vaisselle. Ces dames, les jours de réception, se prêtaient ainsi leur monde.

— Surtout, tâchez d’être plus solide, recommanda madame Josserand à sa bonne. Je ne sais ce que vous avez dans le corps maintenant, on dirait du chiffon… Vous êtes pourtant grasse et grosse.

Adèle était simplement enceinte de neuf mois. Elle-même avait longtemps cru qu’elle engraissait, ce qui l’étonnait pourtant ; et elle rageait, l’estomac vide, avec sa continuelle faim, les jours où madame triomphait devant tous, en la montrant : ah bien ! ceux qui l’accusaient de peser le pain de sa domestique, pouvaient venir regarder cette grosse gourmande, dont le ventre ne s’arrondissait pas à lécher les murs, peut-être ! Lorsque, dans sa stupidité, Adèle avait enfin compris son malheur, elle s’était retenue vingt fois de jeter la