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POT-BOUILLE

veyrier se félicitait d’avoir résumé les débats avec cette clarté saisissante, qui parfois déterminait le verdict du jury.

— Et vous l’avez condamnée ? demanda le docteur.

— À cinq ans, répondit le conseiller de sa voix nouvelle, comme enrhumée et sépulcrale. Il est temps d’opposer une digue à la débauche qui menace de submerger Paris.

Trublot poussait le coude d’Octave, tous deux au courant d’ailleurs du suicide manqué.

— Hein ? vous l’entendez ? murmura-t-il. Sans blague, ça lui arrange la voix : elle vous remue davantage, n’est-ce pas ? elle va au cœur, maintenant… Et si vous l’aviez vu, debout, drapé dans sa grande robe rouge, avec sa gueule de travers ! Ma parole ! il m’a fait peur, il était extraordinaire, oh ! vous savez, un chic dans la majesté à vous donner la petite mort !

Mais il se tut, il prêta l’oreille à la conversation des dames, qui reprenait sur les domestiques, dans le salon. Madame Duveyrier, le matin même, avait donné à Julie ses huit jours : sans doute, elle ne disait rien contre la cuisine de cette fille ; seulement, la bonne conduite passait avant tout à ses yeux. La vérité était que, prévenue par le docteur Juillerat, inquiète pour la santé de son fils dont elle tolérait les farces chez elle, afin de les mieux surveiller, elle avait eu une explication avec Julie, malade depuis quelque temps ; et celle-ci, en cuisinière distinguée, dont le genre n’était pas de se quereller chez les maîtres, avait accepté ses huit jours, dédaignant même de répondre que, si elle se conduisait mal, elle ne souffrirait tout de même pas ce qu’elle souffrait, sans la malpropreté de monsieur Gustave, le fils de madame. Tout de suite, madame Josserand partagea l’indignation de Clotilde : oui, il fallait être absolument intraitable sur la question de moralité ; par