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LES ROUGON-MACQUART

madame Duveyrier aux deux ménages, avant de rentrer dans le salon.

Octave s’était arrêté net. Il venait d’apercevoir, à l’entresol, l’associé qui s’en allait, le blond très soigné, auquel Saturnin, descendu de chez Marie, serrait les mains dans un élan de sauvage tendresse, en bégayant le mot. « Ami… ami… ami… » Un singulier mouvement de jalousie le tortura d’abord. Puis, il eut un sourire. C’était le passé, et il revit ses amours, toute sa campagne de Paris : les complaisances de cette bonne petite Pichon, son échec auprès de Valérie dont il gardait un agréable souvenir, sa liaison imbécile avec Berthe qu’il regrettait comme du temps perdu. Maintenant, il avait fait son affaire, Paris était conquis ; et, galamment, il suivait celle qu’il nommait encore au fond de lui madame Hédouin, il se baissait pour que la traîne de sa robe ne s’accrochât pas aux tringles des marches.

La maison, une fois de plus, avait son grand air de dignité bourgeoise. Il crut entendre la romance lointaine et mourante de Marie. Sous la voûte, il rencontra Jules qui rentrait : madame Vuillaume se trouvait au plus mal et refusait de recevoir sa fille. Puis, ce fut tout, le docteur et l’abbé se retiraient les derniers en discutant, Trublot était furtivement monté chez Adèle pour la soigner ; et l’escalier désert s’endormait dans une chaleur lourde, avec ses portes chastes, fermées sur des alcôves honnêtes. Une heure sonnait, lorsque M. Gourd, que madame Gourd attendait douillettement au lit, éteignit le gaz. Alors, la maison tomba à la solennité des ténèbres, comme anéantie dans la décence de son sommeil. Rien ne restait, la vie reprenait son niveau d’indifférence et de bêtise.

Le lendemain matin, après le départ de Trublot qui l’avait veillée avec une tendresse de père, Adèle se