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POT-BOUILLE

traîna jusqu’à sa cuisine, pour détourner les soupçons. Le dégel était venu pendant la nuit, et elle ouvrait la fenêtre, prise d’étouffement, lorsque la voix d’Hippolyte s’éleva furieuse, du fond de l’étroite cour.

— Tas de salopes ! qui est-ce qui vide encore ses eaux ?… La robe de madame est perdue !

Il avait mis à l’air une robe de madame Duveyrier, qu’il décrottait, et il la retrouvait éclaboussée de bouillon aigre. Alors, les bonnes, du haut en bas, parurent aux fenêtres, se disculpèrent violemment. La bonde était levée, un flot de mots abominables dégorgeait du cloaque. Dans les temps de dégel, les murs y ruisselaient d’humidité, une pestilence montait de la petite cour obscure, toutes les décompositions cachées des étages semblaient fondre et s’exhaler par cet égout de la maison.

— Ce n’est pas moi, dit Adèle en se penchant. J’arrive.

Lisa leva brusquement la tête.

— Tiens ! vous êtes sur vos pattes… Eh bien ? quoi donc ? vous avez failli claquer ?

— Oh ! oui, j’ai eu des coliques, des coliques pas drôles, je vous en réponds !

Cela interrompit la querelle. Les nouvelles bonnes de Valérie et de Berthe, un grand chameau et une petite rosse, comme on les nommait, regardaient avec curiosité le visage pâle d’Adèle. Victoire et Julie elles-mêmes voulurent la voir, se démanchèrent le cou, la tête renversée. Toutes se doutaient de quelque chose, car ce n’était pas naturel, de s’être ainsi tortillée en criant.

— Vous avez peut-être mangé des moules, dit Lisa.

Les autres éclatèrent, une nouvelle poussée d’ordures déborda, pendant que la malheureuse, épouvantée, bégayait :

— Taisez-vous, avec vos vilaines choses ! Je suis assez