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LES ROUGON-MACQUART


Un commissionnaire montait les malles. Quand l’installation fut terminée, l’architecte assista paternellement à la toilette d’Octave. Puis, se levant :

— Maintenant, descendons voir ma femme.

Au troisième, la femme de chambre, une fille mince, noiraude et coquette, dit que madame était occupée. Campardon, pour mettre à l’aise son jeune ami, et lancé d’ailleurs par ses premières explications, lui fit visiter l’appartement : d’abord, le grand salon blanc et or, très orné de moulures rapportées, entre un petit salon vert qu’il avait transformé en cabinet de travail, et la chambre à coucher, où ils ne purent entrer, mais dont il lui indiqua la forme étranglée et le papier mauve. Comme il l’introduisait ensuite dans la salle à manger, toute en faux bois, avec une complication extraordinaire de baguettes et de caissons, Octave séduit s’écria :

— C’est très riche !

Au plafond, deux grandes fentes coupaient les caissons, et, dans un coin, la peinture qui s’était écaillée, montrait le plâtre.

— Oui, ça fait de l’effet, dit lentement l’architecte, les yeux fixés sur le plafond. Vous comprenez, ces maisons-là, c’est bâti pour faire de l’effet… Seulement, il ne faudrait pas trop fouiller les murs. Ça n’a pas douze ans et ça part déjà… On met la façade en belle pierre, avec des machines sculptées ; on vernit l’escalier à trois couches ; on dore et on peinturlure les appartements ; et ça flatte le monde, ça inspire de la considération… Oh ! c’est encore solide, ça durera toujours autant que nous !

Il lui fit traverser de nouveau l’antichambre, que des vitres dépolies éclairaient. À gauche, donnant sur la cour, il y avait une seconde chambre, où couchait sa fille Angèle ; et, toute blanche, elle était, par cette après-