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POT-BOUILLE

midi de novembre, d’une tristesse de tombe. Puis, au fond du couloir, se trouvait la cuisine, dans laquelle il tint absolument à le conduire, disant qu’il fallait tout connaître.

— Entrez donc, répétait-il en poussant la porte.

Un terrible bruit s’en échappa. La fenêtre, malgré le froid, était grande ouverte. Accoudées à la barre d’appui, la femme de chambre noiraude et une cuisinière grasse, une vieille débordante, se penchaient dans le puits étroit d’une cour intérieure, où s’éclairaient, face à face, les cuisines de chaque étage. Elles criaient ensemble, les reins tendus, pendant que, du fond de ce boyau, montaient des éclats de voix canailles, mêlés à des rires et à des jurons. C’était comme la déverse d’un égout : toute la domesticité de la maison était là, à se satisfaire. Octave se rappela la majesté bourgeoise du grand escalier.

Mais les deux femmes, averties par un instinct, s’étaient retournées. Elles restèrent saisies, en apercevant leur maître avec un monsieur. Il y eut un léger sifflement, des fenêtres se refermèrent, tout retomba à un silence de mort.

— Qu’est-ce donc, Lisa ? demanda Campardon.

— Monsieur, répondit la femme de chambre très excitée, c’est encore cette malpropre d’Adèle. Elle a jeté une tripée de lapin par la fenêtre… Monsieur devrait bien parler à monsieur Josserand.

Campardon resta grave, désireux de ne pas s’engager. Il revint dans son cabinet de travail, en disant à Octave :

— Vous avez tout vu. À chaque étage, les appartements se répètent. Moi, j’en ai pour deux mille cinq cents francs, et au troisième ! Les loyers augmentant tous les jours… Monsieur Vabre doit se faire dans les vingt-deux mille francs avec son immeuble. Et ça mon-