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LES ROUGON-MACQUART.

les mains vides. Ils levèrent alors sur Rougon un regard si désolé, si plein de reproches, que celui-ci eut un haussement d’épaules terrible. Comme son coupé arrivait enfin, il y poussa brusquement Clorinde, il s’y enferma sans dire un mot, en faisant claquer la portière avec violence.

— Voilà Marsy sous le porche, murmura M. Kahn qui entraînait M. Béjuin. A-t-il l’air superbe, cette canaille !… Tournez donc la tête. Il n’aurait qu’à ne pas nous rendre notre salut.

Delestang s’était hâté de monter dans sa voiture, pour suivre le coupé. M. Bouchard attendit sa femme ; puis, quand l’église fut vide, il demeura très-surpris, il s’en alla avec le colonel, las également de chercher son fils Auguste. Quant à madame Correur, elle venait d’accepter le bras d’un lieutenant de dragons, un pays à elle, qui lui devait un peu son épaulette.

Cependant, dans le coupé, Clorinde parlait avec ravissement de la cérémonie, tandis que Rougon, renversé, le visage ensommeillé, l’écoutait. Elle avait vu les fêtes de Pâques à Rome : ce n’était pas plus grandiose. Et elle expliquait que la religion, pour elle, était un coin du paradis entr’ouvert, avec Dieu le Père assis sur son trône ainsi qu’un soleil, au milieu de la pompe des anges rangés autour de lui, en un large cercle de beaux jeunes gens vêtus d’or. Puis, tout d’un coup, elle s’interrompit, elle demanda :

— Viendrez-vous ce soir au banquet que la Ville offre à Leurs Majestés ? Ce sera magnifique.

Elle était invitée. Elle aurait une toilette rose, toute semée de myosotis. C’était M. de Plouguern qui devait la conduire, parce que sa mère ne voulait plus sortir le soir, à cause de ses migraines. Elle s’interrompit encore, elle posa une nouvelle question, brusquement :