Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
130
LES ROUGON-MACQUART.

Majesté elle-même. Mais la dame était morte. Maintenant, il resterait garçon.

— Pourquoi ? demanda-t-elle, en le regardant carrément en face.

— Bah ! répondit-il, j’ai bien autre chose à faire. À mon âge, on n’a plus besoin de femme.

Mais elle, haussant les épaules, dit simplement :

— Ne posez donc pas !

Ils en étaient arrivés à tenir entre eux des conversations très-libres. Elle voulait qu’il fût de tempérament voluptueux. Lui, se défendait, et lui racontait sa jeunesse, des années passées dans des chambres nues, où les blanchisseuses n’entraient même pas, disait-il en riant. Alors, elle l’interrogeait sur ses maîtresses, avec une curiosité enfantine ; il en avait bien eu quelques-unes ; par exemple, il ne pouvait renier une dame, connue de tout Paris, qui s’était, en le quittant, installée en province. Mais il haussait les épaules. Les jupons ne le dérangeaient guère. Quand le sang lui montait à la tête, parbleu ! il était comme tous les hommes, il aurait crevé une cloison d’un coup d’épaule, pour entrer dans une alcôve. Il n’aimait pas à s’attarder aux bagatelles de la porte. Puis, lorsque c’était fini, il redevenait bien tranquille.

— Non, non, pas de femme ! répéta-t-il, les yeux déjà allumés par la pose abandonnée de Clorinde. Ça tient trop de place.

La jeune fille, renversée dans son fauteuil, souriait étrangement. Elle avait un visage pâmé, avec un lent battement de la gorge. Elle exagérait son accent italien, la voix chantante.

— Laissez, mon cher, vous nous adorez, dit-elle. Voulez-vous parier que vous serez marié dans l’année ?

Et elle était vraiment irritante, tant elle paraissait