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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

petit perron de trois marches, sur lequel ouvrait la porte-fenêtre du cabinet. Rougon lui tendait déjà la main. Et, quand il l’eut amenée au milieu de la pièce :

— Vous avez donc peur que je ne vous mange ? dit-il. Vous savez bien que je suis le plus soumis de vos esclaves… Que craignez-vous ici ?

Elle tapait toujours sa jupe du bout de sa cravache, à légers coups.

— Moi, je ne crains rien, répondit-elle avec un bel aplomb de fille émancipée.

Puis, après avoir posé la cravache sur un canapé, elle fouilla de nouveau dans son portefeuille.

— Vous en prenez dix, n’est-ce pas ?

— J’en prendrai vingt, si vous voulez, dit-il ; mais, par grâce, asseyez-vous, causons un peu… Vous n’allez pas vous sauver tout de suite, bien sûr ?

— Alors, un billet par minute, hein ?… Si je reste un quart d’heure, ça fera quinze billets ; si je reste vingt minutes, ça fera vingt ; et comme ça jusqu’à ce soir, moi je veux bien… Est-ce entendu ?

Ils s’égayèrent de cet arrangement. Clorinde finit par s’asseoir sur un fauteuil, dans l’embrasure même de la fenêtre restée ouverte. Rougon, pour ne pas l’effrayer, se remit à son bureau. Et ils causèrent, de la maison d’abord. Elle jetait des coups d’œil par la fenêtre, elle déclarait le jardin un peu petit, mais charmant, avec sa pelouse centrale et ses massifs d’arbres verts. Lui, indiquait le plan détaillé des lieux : en bas, au rez-de-chaussée, se trouvaient son cabinet, un grand salon, un petit salon et une très-belle salle à manger ; au premier étage, ainsi qu’au second, il y avait sept chambres. Tout cela, quoique relativement petit, était bien trop vaste pour lui. Quand l’empereur lui avait fait cadeau de cet hôtel, il devait épouser une dame veuve, choisie par Sa