cravache ne lui fît désirer Clorinde davantage. Il avait peur de songer à elle, tant que la petite écorchure de sa joue ne serait pas guérie. La chaleur qui le chauffait à cette place lui descendait dans les membres.
— Non, je ne veux pas ! dit-il tout haut, en rentrant dans le cabinet. C’est idiot, à la fin !
Il s’était assis sur le canapé, les poings fermés. Un domestique entra l’avertir que le déjeûner refroidissait, sans le tirer de ce recueillement de lutteur, aux prises avec sa propre chair. Sa face dure se gonflait sous un effort intérieur ; son cou de taureau éclatait, ses muscles se tendaient, comme s’il était en train d’étouffer dans ses entrailles, sans un cri, quelque bête qui le dévorait. Cette bataille dura dix grandes minutes. Il ne se souvenait pas d’avoir jamais dépensé tant de puissance. Il en sortit blême, la sueur à la nuque.
Pendant deux jours, Rougon ne reçut personne. Il s’était enfoncé dans un travail considérable. Il veilla une nuit tout entière. Son domestique le surprit encore, à trois reprises, renversé sur le canapé, comme hébété, avec une figure effrayante. Le soir du deuxième jour, il s’habilla pour aller chez Delestang, où il devait dîner. Mais, au lieu de traverser les Champs-Élysées, il remonta l’avenue, il entra à l’hôtel Balbi. Il n’était que six heures.
— Mademoiselle n’y est pas, lui dit la petite bonne Antonia, en l’arrêtant dans l’escalier, avec son rire de chèvre noire.
Il éleva la voix pour être entendu, et il hésitait à se retirer, lorsque Clorinde parut en haut, se penchant sur la rampe.
— Montez donc ! cria-t-elle. Que cette fille est sotte ! Elle ne comprend jamais les ordres qu’on lui donne.
Au premier étage, elle le fit entrer dans une étroite pièce, à côté de sa chambre. C’était un cabinet de toi-