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LES ROUGON-MACQUART.

Je t’ai cherché à la gare pour faire le voyage avec toi. Imagine-toi que je me suis fourrée avec un tas d’hommes…

Mais elle s’interrompit, étouffant un rire entre ses doigts.

— M. La Rouquette a l’air en sucre.

— Oui, un déjeuner de pensionnaire, dit méchamment le sénateur.

À ce moment, il y eut à la porte un grand froissement d’étoffes ; le battant s’ouvrit très large, et une femme entra, vêtue d’une robe si chargée de nœuds, de fleurs et de dentelles, qu’elle dut presser la jupe à deux mains pour pouvoir passer. C’était madame de Combelot, la belle-sœur de Clorinde. Celle-ci la dévisagea, en murmurant :

— S’il est permis !

Et, comme M. de Plouguern la regardait elle-même, dans sa robe de tarlatane toute simple, passée sur un dessous de faille rose mal taillé, elle continua, d’un ton de parfaite insouciance :

— Oh ! moi, la toilette, tu sais, parrain ! On me prend telle que je suis.

Cependant, Delestang s’était décidé à quitter les cartes, pour aller au-devant de sa sœur, qu’il amena à sa femme. Elles ne s’aimaient guère toutes deux. Elles échangèrent un compliment aigre-doux. Et madame de Combelot s’éloigna, traînant une queue de satin, pareille à un coin de parterre, au milieu des hommes muets, qui reculaient discrètement de deux ou trois pas, devant le flot débordant de ses volants de dentelle. Clorinde, dès qu’elle fut de nouveau seule avec M. de Plouguern, plaisanta, en faisant allusion à la grande passion que la dame éprouvait pour l’empereur. Puis, comme le sénateur racontait la belle résistance de ce dernier :

— Il n’a pas beaucoup de mérite, elle est si maigre !