Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
LES ROUGON-MACQUART.

— Oh ! l’animal s’est fait battre pendant plus de quatre heures… Imaginez qu’il a débûché un instant en plaine. Il avait repris un peu d’air… Enfin, il est allé se laisser prendre à la mare Rouge. Un hallali superbe !

Le chevalier Rusconi donna un autre détail, d’un air inquiet.

— Le cheval de madame Delestang s’est emporté… Elle a disparu du côté de la route de Pierrefonds. On n’a pas encore de ses nouvelles.

Alors, on l’accabla de questions. L’impératrice paraissait désolée. Il raconta que Clorinde avait suivi tout le temps d’un train d’enfer. Son allure enthousiasmait les veneurs les plus accomplis. Puis, brusquement, son cheval s’était dérobé dans une allée latérale.

— Oui, ajouta M. La Rouquette, qui brûlait de placer un mot, elle avait cravaché cette pauvre bête avec une violence !… Monsieur de Marsy s’est élancé derrière elle pour lui porter secours. Il n’a pas reparu non plus.

Madame de Llorentz, assise derrière Sa Majesté, se leva. Elle crut qu’on la regardait en souriant. Elle devint toute blême. Maintenant, la conversation roulait sur les dangers qu’on courait à la chasse. Un jour, le cerf, réfugié dans la cour d’une ferme, s’était retourné si terriblement contre les chiens, qu’une dame avait eu une jambe cassée, au milieu de la bagarre. Puis, on fit des suppositions. Si M. de Marsy était parvenu à maîtriser le cheval de madame Delestang, peut-être avaient-ils mis pied à terre tous les deux, pour se reposer quelques minutes ; les abris, des huttes, des hangars, des pavillons abondaient dans la forêt. Et il sembla à madame de Llorentz que les sourires redoublaient, tandis qu’on guettait du coin de l’œil sa fureur jalouse. Rougon se taisait, battant fiévreusement une marche sur ses genoux, du bout des doigts.