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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

histoire par un raffinement de séduction, afin de se faire désirer davantage, au sortir des bras d’un autre.

— Mais c’est très-mal ! s’écria-t-il.

Alors, d’un geste prompt et familier, elle lui mit sa main dégantée sur la bouche. Elle s’était allongée tout contre lui. Ses yeux se fermaient dans son visage pâmé. L’un de ses genoux relevait sa jupe molle, qui la couvrait à peine du fin tissu d’une longue chemise de nuit. L’étoffe tendue du corsage avait les émotions de sa gorge. Pendant quelques secondes, il la sentit comme nue entre ses bras. Et il la saisit brutalement par la taille, il la planta debout au milieu du cabinet, se fâchant, jurant.

— Tonnerre de Dieu ! soyez donc raisonnable !

Elle, les lèvres blanches, resta devant lui, avec des regards en dessous.

— Oui, c’est très-mal, c’est indigne ! M. Bouchard est un excellent homme. Il vous adore, il a une confiance aveugle en vous… Non, certes, je ne vous aiderai pas à le tromper. Je refuse, entendez-vous, je refuse absolument ! Et je vous dis ce que je pense, je ne mâche pas mes paroles, ma belle enfant… On peut être indulgent. Ainsi, par exemple, passe encore…

Il s’arrêta, il allait laisser échapper qu’il lui tolérait M. d’Escorailles. Peu à peu, il se calmait, une grande dignité lui venait. Il la fit asseoir, en la voyant prise d’un petit tremblement ; lui, resta debout, la chapitra d’importance. Ce fut un sermon en forme, avec de très-belles paroles. Elle offensait toutes les lois divines et humaines ; elle marchait sur un abîme, déshonorait le foyer domestique, se préparait à une vieillesse de remords ; et, comme il crut deviner un léger sourire aux coins de ses lèvres, il fit même le tableau de cette vieillesse, la beauté dévastée, le cœur à jamais vide, la rou-