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LES ROUGON-MACQUART.

le Te Deum à Coulonges, un voisin a demandé à Martineau s’il n’allait pas à l’église, et ce malheureux a répondu : « Pourquoi faire, à l’église ? Je me moque bien de l’empereur ! »

— « Je me moque bien de l’empereur ! » répéta mademoiselle Herminie Billecoq d’un air consterné.

— Comprenez-vous mes craintes maintenant, continua l’ancienne maîtresse d’hôtel. Je vous l’ai dit, ça n’étonnerait personne dans le pays s’il était arrêté.

En prononçant cette phrase, elle regardait Rougon fixement. Celui-ci ne parla pas tout de suite. Il semblait interroger une dernière fois cette grosse face molle, où des yeux pâles clignotaient sous les rares poils blonds des sourcils. Il s’arrêta un instant au cou gras et blanc. Puis, il ouvrit les bras, il s’écria :

— Je ne puis rien, je vous assure. Je ne suis pas le maître.

Et il donna des raisons. Il se faisait un scrupule, disait-il, d’intervenir dans ces sortes d’affaires. Si la justice se trouvait saisie, les choses devaient avoir leur cours. Il aurait préféré ne pas connaître madame  Correur, parce que son amitié pour elle allait lui lier les mains   ; il s’était juré de ne jamais rendre certains services à ses amis. Enfin, il se renseignerait. Et il cherchait à la consoler déjà, comme si son frère était en route pour quelque colonie. Elle baissait la tête, elle avait de petits hoquets qui secouaient l’énorme paquet de cheveux blonds dont elle chargeait sa nuque. Pourtant, elle se calmait. Comme elle prenait congé, elle poussa Herminie devant elle, en disant :

— Mademoiselle Herminie Billecoq… Je vous l’ai présentée, je crois. Pardonnez, j’ai la tête si malade !… C’est cette demoiselle que nous sommes parvenus à doter. L’officier, son séducteur, n’a pu encore l’épouser,