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LES ROUGON-MACQUART.

fond du vallon formait écho et renvoyait les fins de phrase sur lesquelles il appuyait trop complaisamment. Il conta ses longs efforts, les études, les démarches qu’il avait dû faire pendant près de quatre ans, pour doter le pays d’une nouvelle voie ferrée. Maintenant, toutes les prospérités allaient pleuvoir sur le département ; les champs seraient fertilisés, les usines doubleraient leur fabrication, la vie commerciale pénétrerait jusque dans les plus humbles villages ; et il semblait, à l’entendre, que les Deux-Sèvres devenaient, sous ses mains élargies, une contrée de cocagne, avec des ruisseaux de lait et des bosquets enchantés, où des tables chargées de bonnes choses attendaient les passants. Puis, brusquement, il affecta une modestie outrée. On ne lui devait aucune gratitude, il n’aurait jamais mené à bien un aussi vaste projet, sans le haut patronage dont il était fier. Et, tourné vers Rougon, il l’appela « l’illustre ministre, le défenseur de toutes les idées nobles et utiles ». En terminant, il célébra les avantages financiers de l’affaire. À la Bourse, on s’arrachait les actions. Heureux les rentiers qui avaient pu placer leur argent dans une entreprise à laquelle Son Excellence le ministre de l’intérieur voulait attacher son nom !

— Très-bien, très-bien ! murmurèrent quelques invités.

Le maire et plusieurs représentants de l’autorité serrèrent la main de M. Kahn qui affectait d’être très-ému. Au-dehors, des applaudissements éclataient. La Société philharmonique crut devoir attaquer un pas redoublé ; mais le premier adjoint se précipita, envoya un pompier pour faire taire la musique. Pendant ce temps, sous la tente, l’ingénieur en chef des ponts et chaussées hésitait, disait qu’il n’avait rien préparé. L’insistance du préfet le décida. M. Kahn, très-inquiet, murmura à l’oreille de ce dernier :