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LES ROUGON-MACQUART.

Herminie Billecoq. Elles restaient là, regardant la fête, accoudées à la barre d’appui comme à la rampe d’une loge. Elles avaient des visages luisants, des cous nus et gonflés de légers rires, à certaines bouffées chaudes de la fête.

Cependant, la femme du proviseur achevait le tour du grand salon, distraite, insensible à l’admiration que l’ampleur de sa longue jupe soulevait parmi les tout jeunes gens. Elle cherchait quelqu’un du regard, sans cesser de sourire, d’un air languissant.

— Monsieur le commissaire central n’est donc pas venu ? finit-elle par demander à Du Poizat, qui la questionnait sur la santé de son mari. Je lui ai promis une valse.

— Mais il devrait être là, répondit le préfet ; je suis surpris de ne pas le voir… Il a eu une mission à remplir aujourd’hui. Seulement il m’avait promis d’être de retour à six heures.

C’était vers midi, après le déjeuner, que Gilquin avait quitté Niort à cheval, pour aller arrêter le notaire Martineau. Coulonges se trouvait à cinq lieues. Il comptait y être à deux heures et pouvoir repartir vers les quatre heures au plus tard, ce qui lui permettrait de ne pas manquer le banquet, auquel il était invité. Aussi ne pressa-t-il pas l’allure de son cheval, se dandinant sur sa selle, se promettant d’être très-entreprenant, le soir, au bal, avec cette personne blonde, qu’il jugeait seulement un peu maigre. Gilquin aimait les femmes grasses. À Coulonges, il descendit à l’hôtel du Lion d’or, où un brigadier et deux gendarmes devaient l’attendre. De cette façon, son arrivée ne serait pas remarquée ; on louerait une voiture, on « emballerait » le notaire, sans qu’une voisine se mît sur sa porte. Mais les gendarmes n’étaient pas au rendez-vous. Jusqu’à cinq heures, Gilquin les attendit, jurant, buvant des grogs, regardant sa montre