hommes de ses coudes nus, se baissait, le corsage ouvert, pour prendre les ordres, répondait à tous, sans se presser, souriante, très à l’aise. Quand les consommations étaient bues, elle recevait dans sa main superbe les pièces blanches et les sous, qu’elle jetait d’un geste déjà familier au fond d’une aumônière, pendue à sa ceinture.
Cependant, M. Kahn et M. Béjuin venaient de s’asseoir. Le premier tapa sur la table de zinc, par manière de plaisanterie, en criant :
— Madame, deux bocks !
Elle arriva, servit les deux bocks et resta là debout, à se reposer un instant, le buffet se trouvant alors presque vide. Distraite, à l’aide de son mouchoir de dentelle, elle s’essuyait les doigts, sur lesquels la bière avait coulé. M. Kahn remarqua la clarté particulière de ses yeux, le rayonnement de triomphe qui sortait de toute sa face. Il la regarda, les paupières battantes ; puis il demanda :
— Quand êtes-vous revenue de Fontainebleau ?
— Ce matin, répondit-elle.
— Et vous avez vu l’empereur, quelles nouvelles ?
Elle eut un sourire, pinça les lèvres d’un air indéfinissable, en le regardant à son tour. Alors, il lui vit un bijou original qu’il ne lui connaissait pas. C’était, à son cou nu, sur ses épaules nues, un collier de chien, un vrai collier de chien en velours noir, avec la boucle, l’anneau, le grelot, un grelot d’or dans lequel tintait une perle fine. Sur le collier se trouvaient écrits en caractères de diamants deux noms, aux lettres entrelacées et bizarrement tordues. Et, tombant de l’anneau, une grosse chaîne d’or battait le long de sa poitrine, entre ses seins, puis remontait s’attacher à une plaque d’or, fixée au bras droit, où on lisait : J’appartiens à mon maître.