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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Chambre sans un découragement, immobiles et fervents dans leur revanche.

La salle elle-même paraissait changée, toute sonore, frémissante de fièvre. On avait rétabli la tribune, au pied du bureau. La froideur des marbres, le développement pompeux des colonnes de l’hémicycle, se chauffait de la parole ardente des orateurs. Sur les gradins, le long des banquettes de velours rouge, la lumière de la baie vitrée tombant d’aplomb semblait allumer des incendies, dans les orages des grandes séances. Le bureau monumental, avec ses panneaux sévères, s’animait des ironies et des insolences de M. de Marsy, dont la redingote correcte, la taille mince de viveur épuisé coupaient d’une ligne pauvre les nudités antiques du bas-relief placé derrière son dos. Et seules, dans leurs niches, entre leurs paires de colonnes, les statues allégoriques de l’Ordre public et de la Liberté gardaient leurs faces mortes et leurs yeux vides de divinités de pierre. Mais ce qui soufflait surtout la vie, c’était le public plus nombreux, penché anxieusement, suivant les débats, apportant là sa passion. Le second rang des tribunes venait d’être remis en place. Les journalistes avaient leur tribune particulière. Tout en haut, au bord de la corniche chargée de dorures, des têtes s’allongeaient, un envahissement de foule, qui parfois faisait lever les yeux inquiets des députés, comme s’ils avaient cru brusquement entendre le piétinement de la populace, un jour d’émeute.

Cependant, l’orateur, à la tribune, attendait toujours de pouvoir continuer. Il dit, la voix couverte par le murmure qui roulait encore :

— Messieurs, je me résume…

Mais il s’arrêta pour reprendre plus haut, dominant le bruit :