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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

fauteuil. Il reprit sa figure rose, mis à l’aise, cherchant des mots légers. Mais Clorinde l’attaqua sur les femmes. Elle l’avait encore vu l’avant-veille, aux Variétés, avec une petite blonde, très-laide, ébouriffée comme un caniche. D’abord, il nia. Vexé ensuite de la façon cruelle dont elle traitait « le petit caniche », il s’oublia, il défendit cette dame, une personne très comme il faut, qui n’était pas si mal que cela ; et il lui parla de ses cheveux, de sa taille, de sa jambe. Clorinde devint terrible. M. La Rouquette finit par crier :

— Elle m’attend, et j’y vais.

Alors, quand il eut refermé la porte, la jeune fille battit des mains, triomphante, répétant :

— Le voilà parti, bon voyage !

Et elle sauta vivement de la table, elle courut à Rougon, auquel elle donna ses deux mains. Elle se faisait très-douce, elle était bien contrariée qu’il ne l’eût pas trouvée seule. Comme elle avait eu de la peine à renvoyer tout ce monde ! Les gens ne comprenaient pas, vraiment ! Ce La Rouquette, avec ses sucres, était-il assez ridicule ! Mais maintenant, peut-être, on n’allait plus les déranger, ils pourraient causer. Elle devait avoir tant de choses à lui dire ! Tout en parlant, elle le conduisait vers un canapé. Il s’était assis, sans lui lâcher les mains, lorsque Luigi donna des coups secs d’appui-main, en répétant sur un ton fâché :

— Clorinda ! Clorinda !

— Tiens ! c’est vrai, le portrait ! dit-elle en riant.

Elle échappa à Rougon, alla se pencher derrière le peintre, d’un air souple de caresse. Oh ! que c’était joli, ce qu’il avait fait ! Cela venait très-bien. Mais, réellement, elle était un peu fatiguée ; et elle demandait un quart d’heure de repos. D’ailleurs, il pouvait faire le costume ; elle n’avait pas besoin de poser pour le