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Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/77

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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

avait-il pu renoncer à une situation si haute ? quels étaient donc ses ennemis, pour qu’il se fût laissé battre ainsi ? Et quand il hésitait, quand elle l’acculait à quelque aveu qu’il ne voulait pas faire, elle le regardait avec une candeur si affectueuse, qu’il s’abandonnait, lui racontant les histoires jusqu’au bout. Bientôt, elle sut sans doute tout ce qu’elle désirait savoir. Elle lança encore quelques questions, très-éloignées du sujet, et dont la singularité surprit Rougon. Puis, les mains jointes, elle se tut. Elle avait fermé les yeux. Elle réfléchissait profondément.

— Eh bien ? demanda-t-il en souriant.

— Rien, murmura-t-elle ; ça m’a fait de la peine.

Il fut touché. Il chercha à lui reprendre les mains ; mais elle les enfouit dans la dentelle, et le silence continua. Au bout de deux grandes minutes, elle rouvrit les paupières, en disant :

— Alors, vous avez des projets ?

Lui, la regarda fixement. Un soupçon l’effleurait. Mais elle était si adorable maintenant, renversée au fond du fauteuil, dans une pose languissante, comme si les chagrins de son « bon ami » l’eussent brisée, qu’il ne s’arrêta pas au léger froid qui venait de passer sur sa nuque. Elle le flatta beaucoup. Certes, il ne resterait pas longtemps à l’écart, il redeviendrait le maître quelque jour. Elle était sûre qu’il devait nourrir de grandes pensées et avoir confiance en son étoile, car cela se lisait sur son front. Pourquoi ne la prenait-il pas pour confidente ? elle était si discrète, elle serait si heureuse d’être de moitié dans son avenir ! Rougon, grisé, cherchant toujours à rattraper les petites mains qui s’enfonçaient dans la dentelle, parla encore, parla toujours, à ce point qu’il lâcha tout, ses espérances, ses certitudes. Elle ne le poussait plus, le laissant