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LES ROUGON-MACQUART.

les charmes de l’amitié. Hélène se laissait serrer les mains. Elle n’écoutait pas toujours ; mais, dans l’attendrissement continu où elle vivait, elle se montrait très-touchée des caresses de Juliette, et elle la disait d’une grande bonté, d’une bonté d’ange.

D’autres fois, une visite se présentait. Alors, madame Deberle était enchantée. Elle avait cessé depuis Pâques ses samedis, comme il convenait à cette époque de l’année. Mais elle redoutait la solitude, et on la ravissait en la venant voir sans façon, dans son jardin. Sa grande préoccupation, alors, était de choisir la plage où elle passerait le mois d’août. À chaque visite, elle recommençait la même conversation ; elle expliquait que son mari ne l’accompagnerait pas à la mer ; puis, elle questionnait les gens, elle ne pouvait fixer son choix. Ce n’était pas pour elle, c’était pour Lucien. Quand le beau Malignon arrivait, il s’asseyait à califourchon sur une chaise rustique. Lui, abhorrait la campagne ; il fallait être fou, disait-il, pour s’exiler de Paris, sous prétexte d’aller prendre des rhumes au bord de l’Océan. Pourtant, il discutait les plages ; toutes étaient infectes, et il déclarait qu’après Trouville, il n’y avait absolument rien d’un peu propre. Hélène, chaque jour, entendait la même discussion, sans se lasser, heureuse même de cette monotonie de ses journées qui la berçait et l’endormait dans une pensée unique. Au bout du mois, madame Deberle ne savait pas encore où elle irait.

Un soir, comme Hélène se retirait, Juliette lui dit :

— Je suis obligée de sortir demain, mais que cela ne vous empêche pas de descendre… Attendez-moi, je ne rentrerai pas tard.

Hélène accepta. Elle passa une après-midi délicieuse, seule dans le jardin. Au-dessus de sa tête, elle