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UNE PAGE D’AMOUR.

— Jeanne ne veut pas que l’on dise son costume.

— Mais c’est vrai ! s’écria l’enfant. On ne fait plus d’effet du tout, quand on a dit son costume.

On s’égaya un instant de cette coquetterie. M. Rambaud se montra taquin. Depuis quelque temps, Jeanne le boudait ; et le pauvre homme, désespéré, ne sachant comment rentrer dans les bonnes grâces de sa petite amie, en arrivait à la taquiner pour se rapprocher d’elle. Il répéta à plusieurs reprises, en la regardant :

— Je vais le dire, moi, je vais le dire…

L’enfant était devenue toute pâle. Sa douce figure souffrante prenait une dureté farouche, le front coupé de deux grands plis, le menton allongé et nerveux.

— Toi, bégaya-t-elle, toi, tu ne diras rien…

Et, follement, comme il faisait toujours mine de vouloir parler, elle s’élança sur lui, en criant :

— Tais-toi, je veux que tu te taises !… Je veux !…

Hélène n’avait pas eu le temps de prévenir l’accès, un de ces accès de colère aveugle qui parfois secouaient si terriblement la petite fille. Elle dit sévèrement :

— Jeanne, prends garde, je te corrigerai !

Mais Jeanne ne l’écoutait pas, ne l’entendait pas. Tremblant de la tête aux pieds, trépignant, s’étranglant, elle répétait : « Je veux !… je veux !… » d’une voix de plus en plus rauque et déchirée ; et, de ses mains crispées, elle avait saisi le bras de M. Rambaud qu’elle tordait avec une force extraordinaire. Vainement, Hélène la menaça. Alors, ne pouvant la dompter par la sévérité, très-chagrine de cette scène devant tout ce monde, elle se contenta de murmurer doucement :