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LES ROUGON-MACQUART.

dont l’une était en Folie et l’autre en soubrette ; il s’attaqua même à Valentine de Chermette, une grande personne de quatorze ans, que sa mère habillait toujours en Espagnole ; et il était si fluet, qu’elle semblait le porter. Mais son embarras fut extrême devant la famille Levasseur, composée de cinq demoiselles, qui se présentèrent par rang de taille, la plus jeune âgée de deux ans à peine, et l’aînée, de dix ans. Toutes les cinq, déguisées en Chaperon-Rouge, avaient le toquet et la robe de satin ponceau, à bandes de velours noir, sur laquelle tranchait le large tablier de dentelle. Bravement, il se décida, jeta son chapeau, prit les deux plus grandes à son bras droit et à son bras gauche, et fit son entrée, dans le salon, suivi des trois autres. On s’égaya beaucoup, sans qu’il perdît le moins du monde son bel aplomb de petit homme.

Madame Deberle, pendant ce temps, querellait sa sœur, dans un coin.

— Est-il possible ! Te décolleter comme cela !

— Tiens ! qu’est-ce que ça fait ? papa n’a rien dit, répondait tranquillement Pauline. Si tu veux, je vais me mettre un bouquet.

Elle cueillit une poignée de fleurs naturelles dans une jardinière et se la fourra entre les seins. Mais des dames, des mamans en grandes toilettes de ville, entouraient madame Deberle et la complimentaient déjà sur son bal. Comme Lucien passait, sa mère ramena une boucle de ses cheveux poudrés, tandis qu’il se haussait pour lui demander :

— Et Jeanne ?

— Elle va venir, mon chéri… Fais bien attention de ne pas tomber… Dépêche-toi, voici la petite Guiraud… Ah ! elle est en Alsacienne.

Le salon s’emplissait, les rangées de chaises, en