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LES ROUGON-MACQUART.

ches. Chaque invité, en entrant, avait le même air de surprise et d’hésitation.

— Eh bien ! Lucien ? dit madame Deberle.

L’enfant n’avait pas aperçu Jeanne. Il se précipita, lui prit le bras, en oubliant de faire sa révérence. Et ils étaient l’un et l’autre si délicats, si tendres, le petit marquis avec son habit à bouquets, la Japonaise avec sa robe brodée de pourpre, qu’on aurait dit deux statuettes de Saxe, finement peintes et dorées, tout d’un coup vivantes.

— Tu sais, je t’attendais, murmurait Lucien. Ça m’embête, de donner le bras… Hein ? nous restons ensemble.

Et il s’installa avec elle sur le premier rang des chaises. Il oubliait tout à fait ses devoirs de maître de maison.

— Vraiment, j’étais inquiète, répétait Juliette à Hélène. Je craignais que Jeanne ne fût indisposée.

Hélène s’excusait, on n’en finissait jamais avec les enfants. Elle était encore debout, dans un coin du salon, parmi un groupe de dames, lorsqu’elle sentit que le docteur s’avançait derrière elle. Il venait en effet d’entrer en écartant le rideau rouge, sous lequel il avait replongé la tête, pour donner un dernier ordre. Mais, brusquement, il s’arrêta. Il devinait, lui aussi, la jeune femme, qui pourtant ne s’était point tournée. Vêtue d’une robe de grenadine noire, elle n’avait jamais eu une beauté plus royale. Et il frissonna, dans la fraîcheur qu’elle apportait du dehors, et qui semblait s’exhaler de ses épaules et de ses bras, nus sous l’étoffe transparente.

— Henri ne voit personne, dit Pauline en riant. Eh ! bonjour, Henri.