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UNE PAGE D’AMOUR.

— Elle est donc malade, l’autre dame ?

— Non, répondit Jeanne étonnée.

— Ah ! que le Ciel la conserve ! Qu’il la comble de prospérités, elle et son mari !… Ne vous sauvez pas, ma bonne petite demoiselle. Laissez-moi dire un Ave Maria à l’intention de votre maman, et vous répondrez : Amen, avec moi… Votre maman le permet, vous la rattraperez.

Cependant, Hélène et Henri étaient restés tout frissonnants de se trouver ainsi brusquement seuls, dans l’ombre d’une rangée de grands marronniers qui bordaient la rue. Ils firent doucement quelques pas. Par terre, les marronniers avaient laissé tomber une pluie de leurs petites fleurs, et ils marchaient sur ce tapis rose. Puis, ils s’arrêtèrent, le cœur trop gonflé pour aller plus loin.

— Pardonnez-moi, dit simplement Henri.

— Oui, oui, balbutia Hélène. Je vous en supplie, taisez-vous.

Mais elle avait senti sa main qui effleurait la sienne. Elle recula. Heureusement, Jeanne revenait en courant.

— Maman ! maman ! cria-t-elle, elle m’a fait dire un Ave, pour que ça te porte bonheur.

Et tous trois tournèrent dans la rue Vineuse, pendant que la mère Fétu descendait l’escalier du passage des Eaux, en achevant son chapelet.

Le mois s’écoula. Madame Deberle se montra aux exercices deux ou trois fois encore. Un dimanche, le dernier, Henri osa de nouveau attendre Hélène et Jeanne. Le retour fut délicieux. Ce mois avait passé dans une douceur extraordinaire. La petite église semblait être venue comme pour calmer et préparer la passion. Hélène s’était tranquillisée d’abord, heu-