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LES ROUGON-MACQUART.

— Docteur, voyez donc, que lui prend-il ?

Henri avait reculé sa chaise de la chaise d’Hélène. Il s’approcha du lit, voulut s’emparer d’une des petites mains qui étreignaient si rudement l’oreiller. Alors, à ce contact, Jeanne parut recevoir une secousse. D’un bond elle se tourna vers le mur, en criant :

— Laissez-moi, vous !… Vous me faites du mal !

Elle s’était enfouie sous la couverture. Vainement, pendant un quart d’heure, tous deux essayèrent de la calmer par de douces paroles. Puis, comme ils insistaient, elle se souleva, les mains jointes, suppliante.

— Je vous en prie, laissez-moi… Vous me faites du mal. Laissez-moi.

Hélène, bouleversée, alla se rasseoir devant la fenêtre. Mais Henri ne reprit pas sa place auprès d’elle. Ils venaient de comprendre enfin, Jeanne était jalouse. Ils ne trouvèrent plus un mot. Le docteur marcha une minute en silence, puis il se retira, en voyant les regards anxieux que la mère jetait sur le lit. Dès qu’il se fut éloigné, elle retourna près de sa fille, l’enleva de force entre ses bras. Et elle lui parlait longuement.

— Écoute, ma mignonne, je suis seule… Regarde-moi, réponds-moi… Tu ne souffres pas ? Alors, c’est que je t’ai fait de la peine ? Il faut tout me dire… C’est à moi que tu en veux ? Qu’est-ce que tu as sur le cœur ?

Mais elle eut beau l’interroger, donner à ses questions toutes les formes, Jeanne jurait toujours qu’elle n’avait rien. Puis, brusquement, elle cria, elle répéta :

— Tu ne m’aimes plus… tu ne m’aimes plus…