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LES ROUGON-MACQUART.

— On prétend qu’elle avale quelque chose pour devenir verte.

— Non, non, les mouvements sont calculés… Mais il fallait les trouver d’abord.

— C’est prodigieux.

Les deux dames s’étaient levées. Elles disparurent. Le salon retomba dans sa paix chaude. Sur la cheminée, des jacinthes exhalaient un parfum très-pénétrant. Un instant, on entendit venir du jardin la violente querelle d’une bande de moineaux qui s’abattaient sur une pelouse. Madame Deberle, avant de se rasseoir, alla tirer le store de tulle brodé d’une fenêtre, en face d’elle ; et elle reprit sa place, dans l’or plus doux du salon.

— Je vous demande pardon, dit-elle, on est envahi…

Et, très-affectueuse, elle causa posément avec Hélène. Elle paraissait connaître en partie son histoire, sans doute par les bavardages de la maison, qui lui appartenait. Avec une hardiesse pleine de tact, et où semblait entrer beaucoup d’amitié, elle lui parla de son mari, de cette mort affreuse dans un hôtel, l’hôtel du Var, rue de Richelieu.

— Et vous débarquiez, n’est-ce pas ? Vous n’étiez jamais venue à Paris… Ce doit être atroce, ce deuil chez des inconnus, au lendemain d’un long voyage, et lorsqu’on ne sait encore où poser le pied.

Hélène hochait la tête lentement. Oui, elle avait passé des heures bien terribles. La maladie qui devait emporter son mari s’était brusquement déclarée, le lendemain de leur arrivée, au moment où ils allaient sortir ensemble. Elle ne connaissait pas une rue, elle ignorait même dans quel quartier elle se trouvait ; et, pendant huit jours, elle était restée enfermée avec le moribond, entendant Paris entier