Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
UNE PAGE D’AMOUR.

Pendant un instant, elle discuta le jeu de l’actrice, qu’elle défendait d’ailleurs. Puis, elle passa aux autres bruits de Paris, une exposition de tableaux où elle avait vu des toiles inouïes, un roman stupide pour lequel on faisait beaucoup de réclame, une aventure risquée, dont elle parla à mots couverts avec mademoiselle Aurélie. Et elle allait ainsi d’un sujet à un autre, sans fatigue, la voix prompte, vivant là dedans comme dans un air qui lui était propre. Hélène, étrangère à ce monde, se contentait d’écouter et plaçait de temps à autre un mot, une réponse brève.

La porte s’ouvrit, le valet annonça :

— Madame de Chermette… Madame Tissot…

Deux dames entrèrent, en grande toilette. Madame Deberle s’avança vivement ; et la traîne de sa robe de soie noire, très-chargée de garnitures, était si longue, qu’elle l’écartait d’un coup de talon, chaque fois qu’elle tournait sur elle-même. Pendant un instant, ce fut un bruit rapide de voix flûtées.

— Que vous êtes aimables !… Je ne vous vois jamais…

— Nous venons pour cette loterie, vous savez ?

— Parfaitement, parfaitement.

— Oh ! nous ne pouvons nous asseoir. Nous avons encore vingt maisons à faire.

— Voyons, vous n’allez pas vous sauver.

Et les deux dames finirent par se poser au bord d’un canapé. Alors, les voix flûtées repartirent, plus aiguës.

— Hein ? hier, au Vaudeville.

— Oh ! superbe !

— Vous savez qu’elle se dégrafe et qu’elle rabat ses cheveux. Tout l’effet est là.