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UNE PAGE D’AMOUR.

des marguerites rouges et blanches, d’un ton ancien, dessinaient des bouts de vieilles tapisseries.

— Vous allez voir, répétait Rosalie. Laissez-moi faire. C’est moi qui vais l’arranger.

Elle venait de plier et d’étaler la couverture au bord d’une allée, à l’endroit où l’ombre finissait. Puis, elle fit asseoir Jeanne, les épaules couvertes de son châle, en lui disant d’allonger ses petites jambes. De cette façon, l’enfant avait la tête à l’ombre et les pieds au soleil.

— Tu es bien, ma chérie ? demanda Hélène.

— Oh ! oui, répondit-elle. Tu vois, je n’ai pas froid. On dirait que je me chauffe à un grand feu… Oh ! comme on respire, comme c’est bon !

Alors, Hélène, qui regardait d’un air inquiet les volets fermés de l’hôtel, dit qu’elle remontait un instant. Et elle adressa toutes sortes de recommandations à Rosalie : elle veillerait bien au soleil, elle ne laisserait pas Jeanne là plus d’une demi-heure, elle ne la quitterait pas du regard.

— N’aie donc pas peur, maman ! s’écria la petite, qui riait. Il ne passe point de voitures ici.

Quand elle fut seule, elle prit des poignées de graviers, à côté d’elle, jouant à les faire tomber en pluie, d’une main dans l’autre. Cependant, Zéphyrin ratissait. Lorsqu’il avait vu madame et mademoiselle, il s’était hâté de remettre sa capote, pendue à une branche ; et il restait debout, ne ratissant plus, par respect. Durant toute la maladie de Jeanne, il était venu à son habitude chaque dimanche ; mais il se glissait dans la cuisine avec tant de précautions, qu’Hélène n’aurait jamais soupçonné sa présence, si Rosalie, chaque fois, n’avait demandé des nouvelles de sa part, en ajoutant qu’il partageait le chagrin de la maison.