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Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/214

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LES ROUGON-MACQUART.

Oh ! il se faisait aux belles manières, comme elle le disait ; il se décrassait joliment à Paris. Aussi, appuyé sur son râteau, adressait-il à Jeanne un branlement de tête sympathique. Lorsqu’elle l’aperçut, elle sourit.

— J’ai été bien malade, dit-elle.

— Je sais, mademoiselle, répondit-il en mettant une main sur son cœur.

Puis, il voulut trouver quelque chose de gentil, une plaisanterie qui égayât la situation. Et il ajouta :

— Votre santé s’est reposée, voyez-vous. Maintenant, ça va ronfler.

Jeanne avait repris une poignée de cailloux. Alors, content de lui, riant d’un rire silencieux qui lui fendait la bouche d’une oreille à l’autre, il se remit à ratisser, de toute la force de ses bras. Le râteau, sur le gravier, avait un bruit régulier et strident. Au bout de quelques minutes, Rosalie, qui voyait la petite absorbée dans son jeu, heureuse et bien tranquille, s’éloigna d’elle pas à pas, comme attirée par le grincement du râteau. Zéphyrin était de l’autre côté de la pelouse, en plein soleil.

— Tu sues comme un bœuf, murmura-t-elle. Ôte donc ta capote. Mademoiselle ne sera pas offensée, va !

Il retira sa capote et la pendit de nouveau à une branche. Son pantalon rouge, dont une courroie serrait la ceinture, lui montait très-haut, tandis que sa chemise de grosse toile bise, tenue au cou par un col de crin, était si raide qu’elle bouffait et l’arrondissait encore. Il retroussa ses manches en se dandinant, histoire de montrer une fois de plus à Rosalie deux cœurs enflammés qu’il s’était fait tatouer au régiment, avec cette devise : Pour toujours.

— Es-tu allé à la messe, ce matin ? demanda Ro-