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LES ROUGON-MACQUART.

dame Deberle se leva à peine. C’était une de ses protégées qui venait la remercier d’un service. Elle resta au plus quelques minutes, et se retira, avec une révérence.

Alors, madame Deberle reprit l’entretien, en parlant de l’abbé Jouve, que toutes deux connaissaient. C’était un humble desservant de Notre-Dame-de-Grâce, la paroisse de Passy ; mais sa charité faisait de lui le prêtre le plus aimé et le plus écouté du quartier.

— Oh ! une onction ! murmura-t-elle avec une mine dévote.

— Il a été très-bon pour nous, dit Hélène. Mon mari l’avait connu autrefois, à Marseille… Dès qu’il a su mon malheur, il s’est chargé de tout. C’est lui qui nous a installées à Passy.

— N’a-t-il pas un frère ? demanda Juliette.

— Oui, sa mère s’est remariée… M. Rambaud connaissait également mon mari… Il a fondé, rue de Rambuteau, une grande spécialité d’huiles et de produits du Midi, et il gagne, je crois, beaucoup d’argent.

Puis, elle ajouta avec gaieté :

— L’abbé et son frère sont toute ma cour.

Jeanne, qui s’ennuyait sur le bord de sa chaise, regardait sa mère d’un air d’impatience. Son fin visage de chèvre souffrait, comme si elle eût regretté tout ce qu’on disait là ; et elle semblait, par instants, flairer les parfums lourds et violents du salon, jetant des coups d’œil obliques sur les meubles, méfiante, avertie de vagues dangers par son exquise sensibilité. Puis, elle reportait ses regards sur sa mère avec une adoration tyrannique.

Madame Deberle s’aperçut du malaise de l’enfant.