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LES ROUGON-MACQUART.

Il venait d’adresser à Hélène un salut muet. Son regard, un instant, tomba sur Jeanne ; puis, embarrassé, il détourna la tête. La petite avait soutenu ce regard gravement ; et, dénouant ses mains, d’un geste instinctif, elle saisit la robe de sa mère, elle l’attira près d’elle.

— Ah ! le gaillard ! répétait le docteur, qui avait soulevé Lucien et qui le baisait sur les joues. Il pousse comme un charme.

— Eh bien ! et moi, on m’oublie ? demanda Juliette.

Elle avançait la tête. Alors, il ne lâcha pas Lucien, il le garda sur un bras, tout en se penchant pour baiser également sa femme. Tous trois se souriaient.

Hélène, très-pâle, parla de remonter. Mais Jeanne refusa ; elle voulait voir, ses lents regards s’arrêtaient sur les Deberle, puis revenaient vers sa mère. Lorsque Juliette avait tendu les lèvres au baiser de son mari, une flamme s’était allumée dans les yeux de l’enfant.

— Il est trop lourd, continuait le docteur, en remettant Lucien par terre. Alors, la saison a été bonne ?… J’ai vu hier Malignon, il m’a conté son séjour là-bas… Tu l’as donc laissé partir avant vous ?

— Oh ! il est insupportable ! murmura Juliette, qui devint sérieuse, avec un air de figure embarrassé. Il nous a fait enrager tout le temps.

— Ton père espérait pour Pauline… Notre homme ne s’est pas prononcé ?

— Qui ! lui, Malignon ? cria-t-elle surprise et comme offensée.

Puis, elle eut un geste d’ennui.

— Ah ! laisse donc, un toqué !… Que je suis heureuse d’être chez moi !