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UNE PAGE D’AMOUR.

la plage, au vent du large, crevait de santé, un peu empâté même, et l’air bourru, parce qu’on venait de le laver. Il était mal essuyé, une joue humide encore, rose du frottement de la serviette. Quand il aperçut Jeanne, il s’arrêta, surpris. Elle le regardait, avec son pauvre visage maigri, d’une pâleur de linge, dans le ruissellement noir de ses cheveux, dont les boucles tombaient jusqu’aux épaules. Ses beaux yeux élargis et tristes lui tenaient toute la face ; et, malgré la forte chaleur, elle avait un petit tremblement, tandis que ses mains frileuses se tendaient toujours comme devant un grand feu.

— Eh bien ! tu ne vas pas l’embrasser ? dit Juliette.

Mais Lucien semblait avoir peur. Il finit par se décider, avec précaution, en allongeant les lèvres, pour approcher de la malade le moins possible. Puis, il se recula vite. Hélène avait de grosses larmes au bord des yeux. Comme cet enfant se portait ! Et sa Jeanne qui était si essoufflée pour avoir fait le tour de la pelouse ! Il y avait des mères bien heureuses ! Juliette, tout d’un coup, comprit sa cruauté. Alors, elle se fâcha contre Lucien.

— Tiens, tu es une bête !… Est-ce qu’on embrasse les demoiselles comme ça ?… Vous n’avez pas idée, ma chère, il est devenu impossible, à Trouville.

Elle s’embrouillait. Heureusement pour elle, le docteur parut. Elle s’en tira par une exclamation.

— Ah ! voilà Henri !

Il ne les attendait que le soir. Mais elle avait pris un autre train. Et elle expliquait longuement pourquoi, sans parvenir à être claire. Le docteur écoutait en souriant.

— Enfin, vous êtes ici, dit-il. C’est tout ce qu’il faut.