Aller au contenu

Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
UNE PAGE D’AMOUR.

est venu sans que je le sache. Peut-être bien tout d’un coup. Pourtant, je n’en ai senti la douceur qu’à la longue… D’ailleurs, pourquoi me faire plus forte que je ne suis ? Je n’ai pas cherché à fuir, j’étais trop heureuse ; aujourd’hui, j’ai encore moins de courage… Voyez, ma fille a été malade, j’ai failli la perdre ; eh bien ! mon amour a été aussi profond que ma douleur, il est revenu tout-puissant après ces jours terribles, et il me possède, et je me sens emportée…

Elle reprit haleine, frissonnante.

— Enfin, je suis à bout de force… Vous aviez raison, mon ami, cela me soulage de vous confier ces choses… Mais, je vous en prie, dites-moi ce qui se passe au fond de mon cœur. J’étais si calme, j’étais si heureuse. C’est un coup de foudre dans ma vie. Pourquoi moi ? Pourquoi pas une autre ? car je n’avais rien fait pour cela, je me croyais bien protégée… Et si vous saviez ! Je ne me reconnais plus… Ah ! aidez-moi, sauvez-moi !

Voyant qu’elle se taisait, le prêtre, machinalement, avec sa liberté accoutumée de confesseur, posa une question.

— Le nom, dites-moi le nom ?

Elle hésitait, lorsqu’un bruit particulier lui fit tourner la tête. C’était la poupée qui, entre les doigts de M. Rambaud, reprenait peu à peu sa vie mécanique ; elle venait de faire trois pas sur le guéridon, avec le grincement des rouages fonctionnant mal encore ; puis, elle avait culbuté à la renverse, et, sans le digne homme, elle rebondissait par terre. Il la suivait, les mains tendues, prêt à la soutenir, plein d’une anxiété paternelle. Quand il vit Hélène se tourner, il lui adressa un sourire confiant, comme pour lui promettre que la poupée allait marcher. Et il se remit à fouiller le