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LES ROUGON-MACQUART.

joujou avec ses ciseaux et son poinçon. Jeanne dormait.

Alors, Hélène, détendue par ce milieu de paix, murmura un nom à l’oreille du prêtre. Celui-ci ne bougea pas. Dans l’ombre, on ne pouvait voir son visage. Il parla, au bout d’un silence.

— Je le savais, mais je voulais recevoir votre aveu… Ma fille, vous devez beaucoup souffrir.

Et il ne prononça aucune phrase banale sur les devoirs. Hélène, anéantie, triste à mourir de cette pitié sereine de l’abbé, suivait de nouveau les étincelles qui pailletaient d’or le manteau sombre de Paris. Elles se multipliaient à l’infini. C’était comme ces feux qui courent dans la cendre noire d’un papier brûlé. D’abord, ces points lumineux étaient partis du Trocadéro, allant vers le cœur de la ville. Bientôt, un autre foyer apparut à gauche, vers Montmartre ; puis, un autre à droite, derrière les Invalides, et un autre encore, plus en arrière, du côté du Panthéon. De tous ces foyers à la fois descendaient des vols de petites flammes.

— Vous vous souvenez de notre conversation, reprit l’abbé lentement. Je n’ai pas changé d’opinion… Il faut vous marier, ma fille.

— Moi ! dit-elle, écrasée. Mais je viens de vous avouer… Vous savez bien que je ne peux pas…

— Il faut vous marier, répéta-t-il avec plus de force. Vous épouserez un honnête homme…

Il semblait avoir grandi dans sa vieille soutane. Sa grosse tête ridicule, qui se penchait d’ordinaire sur une épaule, les yeux à demi clos, se relevait, et ses regards étaient si larges et si clairs, qu’elle les voyait luire dans la nuit.

— Vous épouserez un honnête homme qui sera un