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LES ROUGON-MACQUART.


— Infect ! cria-t-il.

— Comment, infect !… Elle est merveilleuse, quand elle empoigne son corsage et qu’elle renverse la tête…

— Laissez donc ! c’est répugnant de réalisme.

Alors, on discuta. Réalisme était bien vite dit. Mais le jeune homme ne voulait pas du tout du réalisme.

— Dans rien, entendez-vous ! disait-il en haussant la voix, dans rien ! ça dégrade l’art.

On finirait par voir de jolies choses sur les planches ! Pourquoi Noëmi ne poussait-elle pas les suites jusqu’au bout ? Et il ébaucha un geste qui scandalisa toutes ces dames. Fi ! l’horreur ! Mais madame Deberle ayant placé sa phrase sur l’effet prodigieux que l’actrice produisait, et madame Levasseur ayant raconté qu’une dame avait perdu connaissance au balcon, on convint que c’était un grand succès. Ce mot arrêta net la discussion.

Le jeune homme, dans un fauteuil, s’allongeait au milieu des jupes étalées. Il paraissait très-intime chez le docteur. Il avait pris machinalement une fleur dans une jardinière et la mâchonnait. Madame Deberle lui demanda :

— Est-ce que vous avez lu le roman…?

Mais il ne la laissa pas achever et répondit d’un air supérieur :

— Je ne lis que deux romans par an.

Quant à l’exposition du cercle des Arts, elle ne valait vraiment pas qu’on se dérangeât. Puis, tous les sujets de conversation du jour étant épuisés, il vint s’accouder au petit canapé de Juliette, avec laquelle il échangea quelques mots à voix basse, pendant que les autres dames causaient vivement entre elles.

— Tiens ! il est parti, s’écria madame Berthier en